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Aymen Mbarki
A certain distance…
Mai 2025 I Août 2025
La Boîte I Un lieu d’art contemporain
» Mais toi, qui es si versé dans les arts magiques, tu peux sans doute facilement me rendre mon ancienne forme ? » Apulée,Métamorphoses, livre III, chapitre 21.
L’exposition « A Certain Distance…» d’Aymen Mbarki se situe entre les pratiques rituelles anciennes et les concepts artistiques. Cette collection d’œuvres d’art qui parlent des idiomes à la fois familiers et oubliés, fonctionne comme des talismans contemporains, s’inspirant de la riche tradition de l’art protecteur apotropaïque qui a fleuri dans toute l’Afrique du Nord et la Méditerranée antique.
Dans le monde carthaginois, les inscriptions et les figures protectrices servaient de barrières contre les mauvais esprits et les forces invisibles. Avec la période arabo-islamique, l’utilisation d’une amulette protectrice appelée « hirz » a gagné en popularité. Sa formule magique était basée sur la combinaison de symboles et de lettres codées avec des versets du Coran.
Les dessins d’Aymen Mbarki, réalisés à l’acrylique noir, à l’encre et au fusain sur du papier recyclé, évoquent ces pratiques spirituelles de marquage qui ont cours depuis des siècles.
Le langage visuel enraciné dans de multiples contextes culturels n’est pas seulement un emprunt esthétique, mais une recherche d’éléments et de compositions pour construire une nouvelle expression fusionnelle et syncrétique.
Le choix du support de l’artiste dans « A Certain Distance… » devient significatif, car le papier recyclé porte dans ses fibres l’empreinte d’anciennes inscriptions. Les marques noires créent leur propre mythologie. L’utilisation du charbon de bois, né de la transformation par le feu d’une substance organique, porte la mémoire de l’ofrenda et de l’ex-voto. Les lignes d’encre reflètent la magie des tatouages tribaux. L’idée maîtresse de ce corpus est de comprendre que l’art de la protection a toujours été fonctionnel plutôt que simplement décoratif. Ces dessins ne font pas simplement référence à des traditions talismaniques, ils les incarnent.
Le papier recyclé utilisé dans « A Certain Distance… » reflète l’utilisation historique de matériaux trouvés dans les pratiques magiques folkloriques et les rituels chamaniques. La palette monochromatique élimine les distractions et concentre l’attention sur la relation essentielle entre la marque et la signification.
S’inspirant à la fois d’artefacts archéologiques et de textes prophétiques, l’artiste invoque d’anciennes formules de protection tout en les projetant dans un avenir incertain. Il s’agit d’un processus qui ne reconnaît pas de frontière claire entre la création artistique et l’expression métaphysique.
L’iconographie romaine pour l’incertitude d’aujourd’hui. Des « hirz » contemporains pour des peurs contemporaines. Les œuvres d’Aymen Mbarki s’inspirent de cette impulsion universelle qui consiste à apposer des marques de protection contre les dangers invisibles qui menacent la sécurité et le bien-être de l’Homme.
Nizar Rejeb
Chercheur en patrimoine culturel et histoire de l’art